Où en est le logement abordable ?
Les besoins et la production : Un déficit jamais résorbé.
Etude « Faut il construire plus de logements ? » de Jean Bosvieux, ancien directeur de l’ANIL (2019) : Extraits
« Depuis de nombreuses années, le marché immobilier est en crise et les mises en chantier sont
insuffisantes. Pendant la campagne présidentielle, François Hollande s’est engagé sur la construction
de 500 000 logements par an. ». Par ailleurs, une évaluation de la demande potentielle en logements à l’horizon 2030, publiée en 2012 par le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), chiffre à 300 000 à 350 000 le nombre de logements à construire par an.
Cette évaluation « technique » a été jugée insuffisante par les politiques, puisque l’objectif de
construction était fixé bien au-delà. Avant François Hollande, Nicolas Sarkozy avait souhaité en 2007 que l’on parvienne en France « à un rythme de construction d’environ 500 000 logements neufs par an »
En 2007, dans un article de la revue Constructif , Michel Mouillart, professeur d’économlie estimait qu’ « En franchissant le seuil des 400 000 mises en chantier, le niveau de la construction est redevenu suffisant dès 2005 », mais que compte tenu du retard à rattraper, qu’il évalue à 850 000 unités (sans préciser comment il aboutit à ce chiffre) , « Il va donc falloir construire beaucoup pendant de nombreuses années, compte tenu des besoins attendus : il faudra mettre en chantier de l'ordre de 425 000 à 450 000 logements par an si on ambitionne de réduire le déficit donc de résorber les situations de non-logement ou d'hébergement et de mettre en œuvre le Dalo en quinze ans ; et de l'ordre de 500 000 logements par an si on ramène le délai à sept ans, retrouvant ici l'objectif affiché récemment par le gouvernement ».
Marie-Noëlle Lienemann, ex-ministre déléguée au logement, précisait : »Construire là où les besoins sont patents,construire prioritairement du logement social, tant en locatif qu'en accession à la propriété. Nous devons construire près de 500 000 logements par an, dont près de la moitié en logements sociaux au sens large. ».
L’actuel président de la République a, dans son programme électoral, affirmé la nécessité de créer un choc d’offre : « Notre objectif est de créer une offre de logements abordables, là où se situent les besoins, notamment en matière d'emploi, répondant à la diversité de la demande (sociale, intermédiaire ou privée) et offrant aux Français des logements compatibles avec leur pouvoir d'achat. Le principal moteur permettant de faire baisser les prix est la construction massive de nouveaux logements ». Qu’en est il de la production aujourd’hui ?
Le logement abordable vu par le Parlement Européen : (Extraits d’une étude produite en janvier 2019 au Parlement Européen dans le cadre d’un colloque traitant du logement abordable).
« La période 2008/2018 a été marquée par un déclin massif des investissements dans le domaine du logement abordable, amenant l’Europe a une situation de précrise ; ceci à partir de la crise financière de 2008 et tout au long des années qui ont suivi. Il en est résulté une hausse marquée et continue tant des loyers que du coût des logements et maisons alors que les salaires augmentaient peu.
En effet, on relève que les investissements dans les « infrastructures sociales » ont décru de 20 % entre 2009 et 2018. Il est estimé que le manque d’investissement s’est évalué à environ 57 milliards d’euros par an sur la période et qu’il faudrait un plan de 150 milliards d’euros sur 10 ans pour compenser ce sous investissement.
En conséquence, environ 82 millions d’européens se trouvent aujourd’hui désolvabilisés à cause d’un coût du logement devenu trop important ; cette surcharge, exprimée en pourcentage du revenu brut, montre des taux d’effort allant de 25 à 40 % alors que le taux d’effort normal en matière de logement locatif est considéré aux environs de 25 %. Ce phénoméne touche aussi bien les classes moyennes que les classes populaires. Les jeunes et nouveaux arrivants dans les grandes agglomération sont tout particulièrement concernés. Un rapport de la Banque mondiale considère que la question du logement est au cœur de fractures économiques de plus en plus grandes dans l’Union Européenne et constitue une cause notable de l’érosion de sa cohésion économique sociale et territoriale.
2007 488900
2008 398400
2009 345700
2010 413200
2011 430200
2012 382300
2013 357600
2014 336500
2015 342900
2016 377200
2017 428600
2018 412500
2019 409400
L’objectif de production de 500 000 logements neufs par an n’a jamais été tenu sauf peut être en 2006.
Quand à la moitié de production en logements sociaux au sens large évoquée par Marie Noëlle Lienemann, elle est restée un vœux pieux alors qu’une étude de 2013 montrait que 55 % des ménages n’habitant pas en logement social étaient éligibles à un logement social de type PLUS (loyer de niveau intermédiaire du barème locatif social ; PLI PLU PLAI).
Les logements sociaux :
Depuis les années 2 000, la France a mis en service de l’ordre de 85 000 logements sociaux les bonnes années, plutôt moins de 80 000 les autres années, ce qui pourrait paraître sommes toutes honorable s’il n’y avait ce fameux « retard » de l’ordre de 850 00 logements sociaux évoqué par Michel Mouillart ; le tout amplifié par la crise de 2008 ; le tout souligné également par les rapports de la Fondation Abbé Pierre dont celui sur la situation du mal logement en 2019.
« Pour 2019, le rapport fait état de 3,953 millions de mal-logés : 902.000 personnes privées de logement personnel (dont 143.000 sans domicile et 643.000 en hébergement "contraint" chez des tiers) et 2,819 millions "vivant dans des conditions de logement très difficiles" (dont 934.000 dans une situation de surpeuplement accentué).
On pourra noter également le dénombrement du nombre de demandeurs de logements sociaux pour la seule Ile de France : De l’ordre 720 000 demandeurs de logements sociaux en 2019, de l’ordre de 400 000 en 2010 (+ - 2 millions de demandeurs pour la France).
En conclusion, une production non négligeable mais impropre à résorber un manque chronique ; une production insuffisamment orientée vers le logements abordable.
Des clés pour construire plus :
Se servir des outils existants :
L’idée émise au début du mandat Macron de baisser sans compensation les loyers des hlm pour atténuer les effets de la baisse de l’APL (Aide Personnalisée au Logement) a constitué une attaque en règle contre l’outil « HLM » qui se trouve aujourd’hui affaibli.
Parmi les organismes, il y a ceux qui ont des parcs pas trop dégradés, qui parviennent à maintenir des groupes immobiliers socialement difficiles, qui sont gérés honorablement et donc, en particulier avec la baisse des taux, se maintiennent à flot. Et puis il y a les organismes, les plus nombreux, qui ont juste « la tête hors de l’eau » et qui ne se maintiennent que par des efforts continus … ou qui s’écroulent et sont repris par des confrères, ce qui arrive régulièrement.
Baisser uniformément les loyers des organismes sociaux revenait à traiter indistinctement ces deux catégories d’organismes et donc à enfoncer d’avantage les plus faibles ; et en prime, obliger tous les organismes à raboter… le cas échéant sur les coûts d’entretien des immeubles et sur … l’investissement dans de nouveaux projets.
Comme il est nécessaire de produire encore et encore des logements à bon marché ; il aurait mieux valu, au lieu de taxer les organismes et se mettre tout un milieu à dos, se servir de ces outils qui n’ont pas démérité et inciter, y compris ardemment, ceux qui ont une forte assise financière à investir dans la construction de nouveaux logement sociaux.
Il se peut que certains doivent se structurer. Quand on construit une fois l’an, ou tous les deux ans, on n’a peut-être pas en interne les qualifications suffisantes pour faire construire. Mais par ailleurs, un constructeur social ne fera pas construire comme un promoteur privé ; parce qu’il assure ensuite la gestion immobilière et qu’il pense donc nécessairement à la durée.
Et en outre, ce gouvernement n’a pas perçu que la construction sociale est un outil puissant d’action économique, en cas de nécessités de politiques contracycliques (très actuel !).
Le foncier : Créer du foncier disponible.
Disons le franchement le problème numéro 1 en matière de construction sociale ou autre, c’est le foncier ; et les zones tendues sont bien souvent tendues seulement parce que les collectivités organisent depuis des années la raréfaction foncière…
Quand on entend dire que l’aide au logement contribue à la hausse des loyers, on reste pétrifié par ce qui montre, outre un certain cynisme, une méconnaissance de la formation des prix de la construction.
Car ce qui contribue à la hausse des coûts et donc des loyers, c’est avant tout, premièrement, fondamentalement, le cadrage/blocage du foncier que les collectivités locales organisent depuis des décennies sur les territoires qu’elles co-administrent avec les services d’État qui n’ont pas su ou pas voulu faire passer les obligations adéquates permettant une disponibilité foncière, dans les POS puis les PLU.
Ceci est particulièrement vrai dans les zones tendues.
Ne serait-ce qu’en région parisienne, tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a insuffisance de logements locatifs à bon marché mais quand il s’agit d’en construire, on voit ressortir le bon vieux « chez les autres et pas chez moi ».
Ce qui montre en passant que les libéraux – mais pas que - ne sont pas si libéraux que ça : On bloque le marché et donc on crée la pénurie, la hausse des coûts, l’éloignement des constructions sociales, l’augmentation des distances habitat / travail. Et ceci… sur 30ans… ça fait mal !
En termes de foncier, nous ne sommes pas sous un régime de marché libre mais sous un régime « d’octroi ». Ceci rappelle plus les anciennes oligarchies de Toscane que n’importe quel libéralisme contemporain.
Quant aux secteurs d’aménagement, très nécessaires, ils ne produisent du foncier qu’à terme.
En Suisse, depuis au moins 40 ans, la loi oblige chaque collectivité à inscrire à son plan d’occupation des sols une superficie minimale de zones à bâtir disponibles à la construction ; y compris des terrains privés. Et une loi fédérale prévoit le dispositif permettant d’assurer la disponibilité des terrains. Quand on veut avoir de la disponibilité foncière, on peut en avoir !
Il y a certainement d’autres pistes qui permettraient d’assurer une certaine diversité à ce qu’on pourrait dénommer le secteur du logement abordable plutôt que le logement social.
Financer le foncier : Il était une fois… la foncière solidaire
Le système actuel de financement du logement social est à bout de souffle. Il y a quelques années déjà, la Ville de Paris consacrait autant de subventions et aides diverses au logement social parisien que l’Etat pour le reste de la France.
Dans l’incapacité de servir la demande populaire, car la production n’atteint pas les 100 000 logements par an, le système actuel de financement a été fléché vers des catégories de plus en plus restreintes de la population, ce qui nuit à la mixité sociale, crée des risques de ghettos et en fait plus un système de financement de l’urgence sociale qu’un système de création de logements à bon marché, dont la clientèle est beaucoup plus vaste.
Il est donc certain qu’une politique visant à créer une quantité augmentée de logements à bon marché (100 000, 120 000 150 000 par an ? plus ?) de manière à se rapprocher de la demande devrait se faire sur des bases totalement renouvelées.
Il s’agirait bien sur d’une politique à long terme (sans doute au moins 10 ans d’un effort continu qui incidemment produirait une masse importante d’emplois et un effet d’entrainement) et on ne voit pas l’Etat être en capacité de financer ces productions sur la base du système de financement actuel qui de toutes façons vise une clientèle trop restreinte.
Pour être autre chose qu’un jeu d’annonces à usage médiatique, une telle politique nécessite le retour d’outils de programmation puissants s’inscrivant dans des réglementations d’urbanisme et dépassant les simples logiques communales.
Une telle politique nécessite également des outils puissants visant à la production d’un foncier utilisable pour la construction.
Il se trouve que le gouvernement Hollande avait mis sur pieds un organisme dénommé « La Foncière Solidaire » société anonyme mandatée par l’Etat pour réaliser un Service Economique General c’est-à-dire mobiliser partout ou cela s’avérerait nécessaire du foncier public et privé pour faciliter et accélérer l’émergence de programmes de logements répondant au besoin des citoyens, essentiellement des logements à bon marché.
Doté d’un capital initial de 750 millions d’euros, cet organisme qui aurait du voir sa puissance doublée par l’apport en nature de biens de l’Etat ou de collectivités a vu dès avant sa création cette deuxième partie de son capital empéchée … par Bercy.
Depuis le changement de gouvernement, la vocation même de cet organisme a été modifiée puisqu’elle ne devrait principalement s’occuper que … de la vente d’une partie du parc HLM.
Or c’est principalement sur la production d’un foncier à cout réduit que pourra se mener à grande échelle une politique du logement à bon marché.
C’est à dire que des « Foncières Solidaires », il devrait y en avoir une ou plusieurs par Région ( le bon échelon ?) puissamment étayées, sans doute par la CDC ( ?).
En outre, elles devraient avoir la puissance financière nécessaire pour pouvoir acquérir et procéder à la mise à disposition des terrains à construire, essentiellement sous la forme de baux emphytéotiques (50 ans ? 60 ans ?) et non pas fonctionner comme beaucoup de foncières actuelles qui doivent assurer leur équilibre financier sur une opération ou au mieux sur un panier d’opérations.
Elles devraient pouvoir se constituer au fil du temps un stock de nues propriétés ( c à d la propriété dont elles continuent à être propriétaires sur la partie non baillée, par exemple de 51 ans à 99 ans) ; nues propriétés qu’elles devraient être en mesure de se faire refinancer.
Il est vrai que si le logement social n’était pas devenu une espèce de seringue à mono clientèle très sociale, il conduirait moins à ces blocages. Il faudrait que le logement à bon marché redevienne un logement beaucoup plus ouvert socialement. L’hyper spécialisation ne le sert pas et même, elle effraie.
Il y avait dans le passé, mais ceci n’est qu’un exemple, le système du 1% employeurs qui permettait de réserver dans les constructions sociales, des contingents de logements notables (parfois 25%) destinés à des salariés d’entreprises situées dans un secteur proche. Mais l’Etat, toujours en recherche d’argent a quasiment réduit le système à peau de chagrin et de piller Action Logement. Le 1% avait un défaut, les personnes logées à ce titre du 1 % étaient pratiquement logées à vie, ce qui nuisait à son efficacité, mais une modification de la loi facilitant (avec des délais) la récupération du logement par l’employeur, après le départ d’un salarié, ne serait pas d’une grande difficulté.
Cela permettrait lorque cela s’avère nécessaire de proposer aux maitres d’ouvrage sociaux des baux à loyer annuels ou partiellement annuels et non des baux à loyers capitalisés uniquement, ce qui réduirait fortement la part du foncier dans les bilans de construction.
Cela conduirait également à long terme à la constitution dans le patrimoine de ces organismes de biens qu’autrefois, dans un contexte rural, on appelait des « communaux » c’est-à-dire des emplacements durablement affectués à des activités collectives.
La Ville de Paris pour laquelle votre serviteur a œuvré s’est constitué depuis au moins 50 années un tel stock de nues propriétés. Elle est suffisamment riche pour ne pas avoir besoins de le refinancer.
Mais un stock de fonciers à terme a forcément une valeur et devrait pouvoir être refinancé par des organismes tels que la CDC ou même en faisant travailler quelques banquiers habiles (il y a beaucoup de banquiers habiles ; cf les subprimes), en faire des produits d’épargne ou /et d’investissement (réglemementés bien sûr !). La boucle serait bouclée, les français placeraient une partie de leurs économies dans une forme d’épargne populaire affectée au logement abordable c à d que d’une certaine manière, ils s’occuperaient eux-mêmes de la question du logement abordable, ce qui est certainement un moyen sûr d’arriver à quelque chose.
Et même…soyons utopistes : Un Conservatoire Européen du Logement Social ?
La crise du COVID a amené notre Europe libérale a mettre au point un plan de soutien et de relance de l’économie.
A un moment ou l’on parle de conservation du patrimoine religieux et culturel (Notre Dame et autres lotos), on pourrait suggérer que l’Europe se préoccupe de la conservation et du développement à long terme du patrimoine du logement abordable, en créant une foncière au niveau européen (Foncière, ça fait pas bien, on devrait plutôt dire Conservatoire, ça fait mieux)
C’est-à-dire qu’un organisme européen pourrait faire l’acquisition des nues propriétés des fonciers baillés aux opérateurs du logement social et les conserverait à très long terme, sauf transactions particulières encadrées.
Cela aiderait grandement à effacer les surpoids de charges foncières en vue de la construction sociale et cela créerait petit à petit un patrimoine européen du logement à bon marché. Une sorte de garantie de maintien à long terme de cette vocation et un signe concret et puissant des préoccupations en la matière.
Bon, cela ferait brailler tous les nationalistes : Pensez vous ! Des morceaux de patrimoine français qui passent dans des mains (presque) étrangères ! Mais apres tout, les multinationales nous piquent nos entreprises (quand elles ne les tuent pas), les chinois nous piquent nos vignobles et nos aéroports alors … un peu plus, un peu moins ; au moins, ça servirait à loger les gens.
Construire, mieux construire : replacer les architectes en tant qu’institution dans la filière de décisions conduisant à l’acte de bâtir :
En Espagne (Andalousie),avant même que soit déposée la demande de permis, un dossier de niveau APD doit être produit devant le « Colegio de Arquitectos ». En parallèle, en France et depuis des années, on a assisté aux diminutions de personnels en charge des compétences architecturales et urbanistiques dans les ex-DDE, liées aux retraits de l’Etat.
Dans les municipalités françaises de grande taille, dans les secteurs d’aménagement, il est à priori possible d’avoir des services d’urbanisme et d’architecture ainsi que des instruments opérationnels suffisamment structurés et qualifiés pour assurer à tous niveaux une compétence affirmée, tout particulièrement nécessaire dans une période ou il sera question de réorganiser mais aussi de faire muter, de créer la ville basse consommation, la ville durable.
En même temps …considérant au fil des années les multiples, renouvelées et navrantes des bévues urbanistiques et architecturales des « périphéries », mais pas que…m’est revenue la constatation suivante : Lorsqu’avec l’équipe « De Portzamparc », nous avons mené les multiples concertations nécessaires à la réhabilitation du quartier Nationale (75013, 600 logements réhabilités plus constructions neuves), nous avons constaté qu’environ un locataire sur 15 ou 20 voyait aussi bien l’espace futur que l’architecte en face de lui.
Il doit y avoir une capacité à la vision dans l’espace dont sont dotés certains et pas d’autres (tout comme Mozart et les autres avaient un cerveau fait pour la musique). Alors, disons le tout net, il n’y a pas de raisons qu’il y ait plus d’un fonctionnaire ou plus d’un représentant de collectivité locale ou plus … d’un maitre d’ouvrage ??... sur 15 ou sur 20 qui ait cette vision. Alors, dans un monde idéal, l’architecture serait d’abord « dépiautée » par ceux qui la comprennent et ensuite, viendraient les décisions institutionnelles.
Et donc, il serait urgent de disposer en France, au niveau de collectivité adéquat, d’un Collége des Architectes, organisme doté d’architectes ayant déjà une carrière derrière eux, en mission, renouvelés tous les 3 ou 5 ans.., lequel Collège serait amené à donner un avis officiel et dans certains cas nécessairement positif, sur chaque PC en instruction. Cela serait de nature à augmenter considérablement le niveau d’architecture. A condition bien sur que la décision de cette instance ait un poids réel dans le processus d’instruction des PC.
Cela permettrait peut être de commencer à travailler autrement et notamment, de faire la critique de ce qu’on produit sur le territoire et en particulier dans les périphéries et les territoires ruraux les morphotypes d’architecture régionale qui ont guidé pendant 50 ans la production des petits collectifs, des habitats pavillonnaires individuels et groupés (le pavillon « Ile de France » ; le pavillon « Provence » …). Prétendant se référer, de manière hypocrite aux canons régissant les maisons du passé (hypocrite parcequ’il n’est plus possible d’utiliser de manière massive les matériaux du terroir et les anciens procédés constructifs pour des raisons de coûts), réglementés aussi bien par des édiles dépassés que par des fonctionnaires trop zélés, ils ont conduit :
- à stériliser quasiment toute production architecturale originale,
- à inscrire sur le territoire la ségrégation et l’anonymation des couches populaires,
- à stériliser les capacités potentielles des artisans de la construction.
Aux Etats Unis, un pavillon à 150 000 dollars est réalisé par des pme qui ont acquis au fil du temps l’aptitude à personnaliser et à rendre « aimables » les constructions pavillonnaires (pas les mobile homes, mais le mobile home est un habitat individuel à 50 000 dollars). En France, ces réglementations ont été tellement destructrices que les pavillonneurs artisanaux ou un peu plus importants ne savent plus faire autre chose que ces pauvres décalcomanies et déclarent même, en parlant de ces réalisations, « faire du traditionnel » : La déclinaison la plus édulcorée et appauvrie de l’habitat populaire est devenue « du traditionnel ».
On aurait pu se dire que l’avènement de la construction durable serait l’occasion de faire éclater ces morphotypes. Eh bien non, on voit souvent faire de la structure bois et in fine, on enveloppe ça vite fait bien fait dans de la morphologie « pavillon Ile de France », ou autre.
Tout ceci pour dire que les représentants de la profession devraient se battre pour faire rétablir des compétences d’architecture non seulement pour ce qui concerne le collectif mais aussi en matière de construction de maisons individuelles. Soit faire redescendre les compétences mais cela n’est pas possible lorsque que l’insuffisance de taille des communes ne leur permet pas d’avoir les compétences nécessaires, soit faire remonter l’instruction des permis de construire jusqu’à un niveau qui est à réinventer, possédant de la compétence et du jugement en matière d’architecture.
Derrière cette problématique se trouve la question du « Pour qui l’architecture ? ».